(ancien article : 19/03/2010)
..........En ce moment je bloque beaucoup pour avancer. De vieilles croyances ressurgissent et c'est difficile de leur tordre le coup tellement elles sont ancrées. Mais j'y travaille !
Des problèmes de méthodologie aussi qui favorisent l'inquiétude et la montée du stress dès que je dois sortir de ma zone de confort. Comme pour tout le monde
En effet, en ce moment c'est vraiment foisonnant de nouveautés même si je dessine peu, trop peu et cela ne contribue pas à me rassurer.
J'ai tellement de motivation et d'envie d'avancer, de réussir de beaux dessins, que, paradoxalement, cela en vient à me freiner plutôt qu'à me servir de moteur pour avancer. Je me focalise trop sur l'objectif à atteindre et j'ai du mal à accepter le temps et les étapes nécessaires pour y parvenir. Bon il faut dire aussi que les étapes je ne les connais pas encore toutes très bien.
Heureusement, je prends du recul et tout cela me fait sourire de plus en plus... mais par moment, je suis comme essoufflée, je transpire rien qu'à l'idée de tenir mon crayon tellement c'est dur. Pfff que c'est risible quand même !
Je sais que certains artistes ont souvent gardé une part enfantine qui leur sert de moteur, d'inspiration et qu'ils expriment à leur manière. Mais moi, pour l'instant, c'est justement elle qui me met des bâtons dans les roues avec ses croyances et ses exigences immatures et inexpérimentées. Cette part de moi refuse parfois l'apprentissage, voudrait être arrivée avant d'avoir commencé, a du mal à accepter l'erreur et veut se persuader qu'elle sait tout et peut tout faire comme une grande.
Arf arf arf, je lui rit au nez ! C'est pas parce que tu as des dispositions et que tu as réussi quelques dessins que tu sais tout de l'Art, que tu comprends tout, que tu n'as pas des faiblesses à travailler et que tu peux te passer d'explorer et aller voir comment font les autres et ce qu'ils ont compris.
J'aime beaucoup Gombrowicz et surtout Ferdydurke parce qu'il traite très bien du problème de l'immaturité. Ce gars-là avait tout compris du monde dans lequel on vit : plus on est sérieux, trop sérieux et impérieux sur un sujet... plus en réalité cela cache une formidable immaturité... pas assumée. Être vraiment adulte c'est peut-être justement assumer ses zones d'immaturités, sa part enfantine. Pratiquer un art peut peut-être s'avérer un vecteur, un moyen d'y parvenir... je ne sais pas.
Bon bref en ce moment je me remonte les manches, je chausse mes gants de boxe et je fais la fête à ces fichus croyances enfantines que l'on m'a collé sur le dos. Car oui, elle ne viennent pas de nulle part : combien de gens (à commencer par le milieu d'où je viens) pensent que l'art ne s'apprend pas, que c'est un don et qu'il n'y a pas à travailler pour y arriver. La plupart des gens pensent que tout doit couler de source et que sinon bin c'est fichu d'avance et que c'est pas la peine. Bref ou on est un génie qui réussit tout tout le temps ou il vaut mieux abandonner. Dur dur quand même de penser les choses ainsi. Combien de Mozarts laborieux assassinés par des pensées pareilles ? Un paquet à mon avis. Ce qui me fait bien rire c'est qu'à bien y réfléchir, qui pourrait être capable de telles choses s'il n'était démiurge ou téléguidé par le boss himself ? C'est la seule possibilité logique face à quelqu'un qui aurait la science infuse. Or, je suis sûre que l'on trouverait parmi les athées beaucoup de gens véhiculant ces croyances. Étrange non ? Et pas très logique moi je trouve. Cela manque de cohérence.
Je préfère nettement la phrase d'Edison :"la création c'est 1% d'inspiration et 99% de transpiration". La voilà la réalité du créateur. Cela peut paraître dur, rébarbatif mais on voit bien que la réalité est quand même plus ouverte en possibilités que les croyances que je viens d'évoquer. Au moins l'espoir de se prendre en main pour y arriver ne nous est pas enlevé.
Maintenant que la question des croyances limitantes est plus ou moins réglée (enfin j'espère c'est coriace ces trucs là). Passons maintenant aux problème d'organisation et de méthodologie...
D'abord le support. Je pense que je devrais passer à la palette graphique pour les croquis qui ne sont pas faits in situ, sur le vif et à l'extérieur. Ou alors travailler sur des papiers pas terribles déjà imprimés que j'allais jetter. Pourquoi ? parce que dès qu'une page est trop lisse, trop blanche (remarque la couleur ne fait rien à l'affaire), trop vide hop ça y est, c'est reparti pour un tour... le mieux cherche à surpasser le bien. Le désir de faire bien trop bien ressurgit, le mythe du dessin abouti et léché du premier coup refait surface, c'est trop tentant
Alors que sur un papier pourri ou sur un écran, on s'en fiche. Pas de peur de gaspiller une belle feuille pour rien. Ce type de support, bizarrement, n'entraîne pas la peur de l'échec mais au contraire l'autorise, autorise la recherche, la fluidité et la liberté. Et là je retrouve l'esprit du dessin dans les marges des cahiers
Seul soucis c'est que tous les médiums ne sont pas utilisables donc ça dépend ce que l'on souhaite faire. Pour du croquis en tout cas c'est très bien. Le dessin aura, en plus, plus de mal à être exploitable tel quel ce qui au final explique ce sentiment de liberté. Difficile d'encadrer un dessin fait sur une feuille abîmée, froissée, sur laquelle il y a des écritures etc. Quoique il faut se méfier cela peut devenir un style
J'ai tenté la palette graphique et cela avait donné ceci, entre autre :
Et avec ce dessin, cela m'avait permis de faire un premier essai :
Puis de tester différents éclairages :
Et de finir par faire un dessin plus ou moins abouti au fusain :
Difficile d'arriver à la même chose aussi rapidement sur du papier. On ne peut pas sauvegarder une image et retravailler ensuite par dessus. Il faut tout refaire à chaque fois. Depuis j'ai compris plus de choses sur la lumière etc. donc je pense qu'un jour peut-être je referai ce dessin et qu'il sera encore meilleur.
Continuons sur les questions de méthodologie et organisation... Je sais, je sais, pendant que j'écris je ne dessine pas. Oui mais voilà parfois il faut poser son crayon et réfléchir pour avancer, y voir plus clair, prendre du recul et ne pas rester le nez dans le guidon. Ca n'est pas du temps perdu, on le regagne après !
Déjà je pense qu'il est nécessaire de bien distinguer un dessin de travail, d'étude, préparatoire d'un dessin destiné à être abouti, léché. Ca n'a pas toujours été clair pour moi jusqu'à il y a peu. Les cours m'ont aidé à faire la distinction... mais ça a du mal à rentrer. Donc déjà décider de ce que l'on fait. On a 4 possibilités à mon avis soit il s'agit :
- d'un dessin d'apprentissage, une étude, un test
- d'un dessin préparatoire à un dessin abouti (plusieurs sortes dans cette catégorie)
- un dessin abouti (ce terme ne me convient pas mais j'en trouve pas d'autre)
- un dessin échauffement ou un dessin plaisir : presque sans autre objectif que se délier un peu la main et se détendre.
Chaque type ne va pas nécessiter le même support, la même attitude mentale, la même organisation/méthodologie puisque l'objectif est différent. D'où l'intérêt d'y avoir réfléchi dès le départ, avant de se lancer car je crois qu'on lève ainsi pas mal de difficultés. D'où l'intérêt du coup de s'organiser pour faire des séances distinctes et régulières pour chacun des types de dessin.
Maintenant le dessin abouti, puisqu'il me fait bien trembler et transpirer celui-là. Jusqu'à présent je me lançait dedans sans véritable méthode pour assurer mes arrières et mettre toutes les chances de mon côté pour le réussir. Vu comme ça, normal de se crisper et de trembler.
Je pense qu'il faut penser que le dessin abouti est un projet en soi. Et qu'en tant que projet, il nécessite une méthodologie, des moyens et des étapes.
1-il me semble que je devrais définir le projet : qu'est-ce que je souhaite faire exactement ? Quelle image ? dans quel médium ? etc.
2-je devrais à partir de là voir quels sont les moyens et le matériel que cela nécessite pour y arriver. Bref de quoi j'ai besoin ?
3-Faire le point sur ce dont je dispose déjà... et ce qui me manque. Et me poser la question : est-ce que j'ai les moyens actuellement d'acquérir ce qui me manque pour réaliser ce dessin ? Si oui, où puis-je trouver ces ressources ? Que ce soit du matériel à acheter ou des connaissances à acquérir etc. c'est important de savoir avec quoi on part et si c'est faisable. Dans cet inventaire, voir aussi les difficultés techniques qu'impose le dessin final auxquelles on se confronte et qui va nécessiter, un travail d'essais et d'études pour chacun de ces points (perspective, texture, lumière particulières, nouveau médium peu connu de nous etc.)
4-Prendre un temps pour faire l'apprentissage et les tests nécessaires avant de se lancer dans la version finale.
5-Exécution de la version finale dès que tout est prêt, que les connaissances sont à peu près acquises, que les tests sont suffisamment concluants etc.
6-Si un problème survient, un blocage etc. pendant l'exécution de la version finale (comme cela m'arrive en ce moment) il faut s'arrêter. Je pense qu'il est nécessaire d'essayer de prendre le temps de comprendre ce qui nous bloque, de le rationaliser. Je pense que c'est souvent (en tout cas pour moi en ce moment) dû à une difficulté technique inattendue. Dans ce cas, l'identifier peut aider à aller chercher les informations et ressources pour résoudre le problème.
7-Refaire des études, des tests à côté du dessin final pour vérifier quelle est la bonne solution au problème ou pour améliorer, combler une faiblesse technique.
8-à partir du moment où les dessins préparatoires sont concluants, reprendre le dessin final.
9-en cours d'avancement, ou une fois achevé, il peut être bon de demander un avis à des potes dessinateurs. En effet, ils auront un regard plus objectif et neuf que le notre pour corriger quelques défauts que l'on n'avait pas vu ou des petits trucs pour le rendre encore meilleur.
10-Corriger ce qui a encore besoin de l'être... puis savourer le travail accompli !
Et c'est là que l'on voit combien les croyances sont éloignées de la réalité ! Difficile de faire une vrai œuvre aboutie du premier coup comme ça hop sur un coup de tête ! Ça peut arriver mais c'est très rare. Même chez les plus grands d'ailleurs. Qui ont bossé bossé bossé. pfff c'est un peu rébarbatif par moments mais c'est comme ça.
Bon bin sur ce, maintenant que tout est plus clair et que j'ai un fil à suivre... je quitte la plume et je reprends les crayons