Ce que j'ai appris :
- à gérer les changements de format. Je n'avais jamais travaillé sur format carré et cela me faisait un peu peur au début. Passer de l'un à l'autre est une vrai gymnastique mentale côté composition. C'est intéressant.
- que je n'aime vraiment, vraiment pas peindre directement sur le gesso. Notamment parce que je trouve que la peinture accroche mal. Je préfère passer une sous-couche d'acrylique de couleur parce qu'il y a une meilleur accroche de la peinture mais aussi cela permet de jouer avec... ou pas en fonction du sujet.
- à vraiment ressentir la texture parfois très différente qui sort du tube et à le gérer. Idem pour l'opacité et la transparence des teintes.
- j'ai aussi l'impression d'avoir découvert tout un monde nouveau et plein de subtilités dans la déclinaison des gris à travers les mélanges. C'est à dire décliner les couleurs en valeurs de gris. (je ne sais pas si c'est clair)
- la différence et les possibilités d'utilisation du blanc de zinc et du titane. Avant je n'utilisait que le titane.
- à prendre la mesure de la rapidité (relative) de séchage de certaines teintes et commencer à jouer avec ça, notamment pour les fonds.
- à oser partir à l'aventure et vraiment jouer avec un sujet imposé, être à l'écoute de ce que les objets ont à raconter comme histoire, laisser germer des idées de composition etc. Accepter de se laisser surprendre et rebondir, à la fois en découvrant le sujet mais aussi en partant à la recherche des objets etc. Bref développer ma créativité à l'intérieur d'un cadre.
- à trouver comment m'exprimer pleinement, librement, à dire quelque chose qui n'appartient qu'à moi ou à ma façon, à accepter de le laisser sortir et ce malgré (ou grâce) à un cadre imposé.
- à trouver un processus, une organisation de travail efficace (j'ai mis de moins en moins de temps au fur et à mesure)
- à sentir les implications physiques que suppose un travail de longues heures devant un chevalet (va falloir gérer et équilibrer sinon ouïlle ouïlle ouïlle)
- à voir la différence entre peindre confortablement en atelier et en extérieur (encore plus exténuant) puisque j'ai tenté mon dernier sujet sur ma terrasse (je ne me suis pas trop éloignée de l'atelier et suis restée dans le petit bain hihi)
- l'intérêt de cette pratique, en dehors des positionnements esthétiques de certains pratiquants avec lesquels je ne suis pas toujours d'accord... enfin tout dépend de l'objectif visé en fait. J'en reparlerai plus tard ;-)
- à ne pas attendre des lustres et trop réfléchir avant de tester une idée et la mettre sur un support. Et me rendre compte qu'ainsi on voit vite si ça fonctionne ou pas. Reste la question de savoir d'ailleurs si certaines méritent d'être encore approfondies ou pas.
- que j'adore la stimulation de créer à plusieurs en parallèle, l'ambiance atelier, échanger etc. C'est vraiment un moteur pour moi.
- je crois que j'ai compris un peu mieux ce que les impressionnistes ou d'autres pouvaient rechercher à travers le travail sur le motif.
- trouver l'alliance geste juste / outil (pinceau) adapté / couleur juste / bonne texture pour obtenir l'effet recherché
- que je n'aime pas trop le petit gris, ça n'est pas assez doux. Je préfère finalement soit la martre soit la soie de porc selon l'objectif. Et je me demande si je ne vais pas tester du synthétique pour voir la tenue sur la durée. Car une martre out après 3 pauvres peintures... glups mon portefeuille ne va pas pouvoir suivre longtemps
- que travailler par cession de plusieurs jours au lieu de le faire un peu par ci un peu par là est à la fois un vrai bonheur mais aussi très profitable pour avancer autant en terme de production, que de créativité et de progression technique. Pour toute pratique, la temporalité a son importance car on ne peux pas ressentir (sur le plan cognitif, sensitif etc.) autant à fond les choses, en profondeur en 1h qu'en 10h par exemple.
Comment j'ai travaillé :
Le matin je commençais par prendre connaissance du sujet. Je me laissais le temps d'y réfléchir, de laisser venir des embryons d'idées. Puis je préparais mon panneau avec la couche d'acrylique. Durant le séchage, je partais en quête des objets et prenait bien le temps de réfléchir à leur environnement etc. Et faisait leur mise en place. Le panneau ayant eu le temps de sécher, je le fixait sur ma planche au double face. Ensuite je faisait un ou plusieurs croquis pour valider la composition et me préparer à avoir un peu le format dans l’œil. Ensuite, nettoyage de la palette (j'adore faire ça en début de séance, c'est un rituel qui indique la descente dans le travail à mon esprit). Croquis au blanc dilué d'essence pour mettre en place la compo. Puis moment crucial pour moi : nuancier en main, choix stratégique des couleurs que je vais utiliser pour ce tableau (il m'arrive d'en rajouter mais rarement en fait). Et puis c'est parti pour la peinture ! Je commence par une ébauche des objets puis rapidement je fais une ébauche du fond, rarement définitive, mais cela me permet d'avoir l'ambiance générale, les valeurs. Sans cela j'ai l'impression de ne rien y voir. Et puis ensuite j'affine jusqu'à la fin. Je pense que je travaille plus dans l'esprit alla fresca (et encore) que dans l'esprit daily painting (pas comme Caroll Marine en tout cas).
Les limites rencontrées :
Étonnamment pas autant que ce que je craignais.
- Pas de possibilité de faire des glacis... ce qui est problématique pour certains détails etc.
- Des pinceaux qui semblent s'user très vite via cette pratique pourtant je suis très précautionneuse avec eux. Dès que les martres durcissent un peu c'est fichu, cela devient du labour.
- des mélanges qui sèchent et poissent très vite en extérieur (en tout cas par 30° et brise chaude)
- début de sciatique à la fin des 10 jours donc quelque chose est à revoir côté ergonomie. Rééquilibrage corporel presque indispensable. Je n'ai pas pris le temps... et voilà !
- je n'arrive pas à faire juste une pochade, à travailler vite et concis. A faire des touches enlevées et directes. Bref à faire des sortes de croquis peints. Pourtant dans certains cas de figure cela serait vraiment intéressant.
- je me sens limitée par le format. Travailler ces petits formats c'est agréable. Mais je ne suis pas sûre que j'arriverai à quelque chose comme ça sur plus grand format.
- le séchage m'a posé problème... si on les mets à plat ça prend de la place (et encore c'est petit), la poussière peut s'y incruster etc. Et debout... ça n'est pas évident non plus car cela prend plus de place. J'aimerai bien trouver une solution, un bricolage pour faire une sorte de séchoir...
- je n'arrive pas à faire des fondus assez uniformes pour les fonds. Cela vient peut-être de la taille de mes pinceaux qui sont trop petits.
- photographier les œuvres, une vrai difficulté, surtout ne pas se retrouver avec des couleurs trop éloignées.
Mon sentiment sur ce travail :
Une très belle aventure. Je ne me croyais absolument pas capable de faire 10 jours d'affilées à un tel rythme. Et bien si ! Je me suis surprise sur beaucoup beaucoup de choses et cela m'a vraiment donné une force et une confiance qui vont perdurer. Je me sens plus confiante, plus sûre de moi et plus aguerrie. J'ai l'impression que je connais mieux mes limites et surtout un processus de travail qui me va bien. J'ai beaucoup apprécié les échanges, la camaraderie qui s'est dégagée au cours de ce travail entre les participants. Une belle aventure humaine aussi. Pour moi c'est un défi réussi qui qui m'a servi de tremplin ! J'ai l'impression d'entrer dans une nouvelle dimension dans le travail et de pouvoir être plus sereine face à d'autres projets, notamment professionnels, d'autres défis aux sujets imposés ou pas. J'ai pu explorer des sujets que je n'aurais pas tenté sans cela. J'ai aussi pu préciser mon style, ma façon d'appréhender les choses et qui navigue entre style à l'ancienne et plus moderne selon comment les sujets me parlent. Découvrir aussi un aspect narratif parfois assez présent qui pourrait évoluer vers de l'illustration.
L'intérêt, pour moi de cette technique :
- tester rapidement des idées, des couleurs etc.
- s'exprimer de manière fluide et directe dans l'émotion du moment (la peinture ancienne prenant plus de temps on n'est pas sur la même échelle de temps, ni sur la même spontanéité émotionnelle)
- travailler hors atelier, sur le motif pour aller à la pêche aux lumières, ambiances, environnement différents... et faire du paysage. Et à travers cela explorer le monde qui nous entoure, rester proche du vivant.
- aiguiser son regard sur ce qui nous entoure, y puiser inspiration
Maintenant l'aventure continue ailleurs... alla fresca ou en technique ancienne.
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